L’ambition première de la CRC en gouvernance sécuritaire des corps, de la mobilité et des frontières est la production de nouvelles connaissances interdisciplinaires, empiriques, théoriques et normatives sur les transformations de la sécurité, la gouvernance des mobilités et les inégalités sexuelles et identitaires, des domaines au cœur de la politique mondiale trop souvent étudiés en silos.
En cherchant à analyser comment les corps des personnes en déplacement (pour des raisons de voyage ou de migration) sont appréhendés à la frontière au nom d’une gouvernance sécuritaire, les travaux de la Chaire aspirent à mieux comprendre les multiples significations données au corps dans le cadre d'une mobilité transnationale lorsqu’ils sont identifiés, que ce soit par des personnes ou des systèmes informatiques. Elle interroge ainsi plus spécifiquement les effets discriminatoires des pratiques de gouvernance et les infrastructures légales et administratives qui sont créées ou mobilisées pour exercer cette gestion sécuritaire qui en vient à rendre possible ou à empêcher la mobilité des corps.
L’originalité de la Chaire réside dans son objectif d’analyser les implications politiques, théoriques et empiriques de la gestion de la mobilité internationale impliquant des corps sexués, genrés, racisés et donnéifiés (datafied) appréhendés par un appareillage sécuritaire visant à minimiser les risques. Les travaux de la chaire nourriront trois axes de recherche structurants qui permettront d’approfondir de manière complémentaire les mécanismes, les effets et les infrastructures à l’oeuvre dans l’appréhension sécuritaire des corps effectuée lors des passages transfrontaliers.
Les travaux de la Chaire s’inscrivent dans le cadre théorique de la gouvernementalité, avec une sensibilité féministe intersectionnelle (c.-à-d. qui prend en compte la race, le genre, la classe sociale et l’âge) et une préoccupation pour la justice sociale. Ils permettront 1) de documenter les impacts différenciés que la sécurisation des mobilités transnationales implique sur les corps transitant par la frontière; 2) de mettre en lumière le caractère multidimensionnel (p. ex.: sexualisation, genrification, racisation et donnéification) des corps qui résulte de cette gouvernance sécuritaire; et 3) d’analyser le rôle du droit agissant comme une infrastructure qui régit le contrôle transfrontalier des corps en déplacement.
Les Axes de la Chaire
Axe 1 : Sécurisation des frontières, corps et mobilité : les mécanismes
1) Quelles nouvelles formes prennent les frontières et comment fonctionnent-elles pour assurer une gestion sécuritaire des mobilités transnationales? 2) Par quels mécanismes et technologies de contrôle ces frontières se saisissent-elles des corps et leur octroient-elles des significations, affectant directement la mobilité des personnes? La mobilité s’ordonne par des mécanismes technologiques complexes qui rendent certaines choses possibles ou non. Les caractéristiques de la gouvernance automatisée de la migration et son utilisation dans le secteur public peuvent modifier la relation entre les politiques publiques, les décideurs de première ligne et les citoyen·ne·s, et entre les fournisseurs de technologies et de services de l'État et des entreprises. Les travaux de la Chaire analyseront de manière critique les solutions technopolitiques proposées par l’État pour encadrer certains corps mobiles vus comme étant un problème ou une menace à gérer (p. ex. : la reconnaissance faciale automatisée).
Voyez les publications et les événementsAxe 2 : Discriminations et inégalités résultant des pratiques de gouvernance sécuritaire des mobilités : les effets
1) Quelles sont les dimensions genrées, sexuées et racisées des pratiques et dispositifs technologiques de gouvernance mobilisés pour contrôler les mobilités transnationales? 2) Comment les nouvelles technologies de contrôle contribuent-elles au maintien d’inégalités sociales? La sécurisation des mobilités repose sur des acteurs sécuritaires et sur des technologies de sécurité permettant le contrôle efficace des frontières. Malgré les prétentions à l’élimination des biais de genre ou de race par une appréhension supposément neutre du corps par les technologies de sécurité, comme les données biométriques, celles-ci sont « fondamentalement façonnées par les inégalités raciales, ethniques, de genre et autres qui prévalent dans la société, et aggravent généralement ces inégalités ». Pareillement, le rapport complexe entretenu entre le corps et les technologies qui le dématérialisent se manifeste dans la contradiction des significations lorsque le « corps biométrique » du passeport d’une personne ne correspond pas au « corps présenté » devant l’agent de douane. Documenter les effets différenciés de l’usage des technologies de sécurité permet de comprendre et de rendre visibles les formes d’insécurité vécues par différents groupes de populations lors des passages transfrontaliers, notamment les enfants, les personnes trans ou les personnes queers.
Voyez les publications et les événementsAxe 3 : Responsabilités juridiques et administratives : les infrastructures
1) Quelles sont les infrastructures qui permettent la mise en action des mécanismes sécuritaires de contrôle de mobilité? 2) Comment le droit appréhende-t-il le corps, notamment par les normes juridiques, dans la gestion des mobilités? Avec le partage et l’émulation de normes et de modes de gestion des mobilités transnationales (p. ex.: partage de bases de données biométriques, établissement de partenariats avec des ONG et des compagnies pour assurer les retours dits « volontaires » de personnes migrantes) s’opère une globalisation des infrastructures administratives et juridiques. Pensons ici, à titre d’exemple, à la diffusion de normes et de procédures établies par l’Organisation internationale pour les Migrations, au départ une ONG assistant les États avant de devenir en 2016 l’organe officiel de l’ONU pour la gestion globale des migrations. Le questionnement quant au rôle des infrastructures juridiques qui vient avec la multiplication, l’internationalisation et la privatisation des frontières soulève l’enjeu de la responsabilité étatique dans les processus de sécurisation des frontières et du rôle du droit dans ces processus. Cet axe examinera l’enjeu du droit comme infrastructure de gestion des mobilités des objets et des personnes.
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